dimanche 25 septembre 2011

Ce qui fait la particularité de la révolution syrienne

Plus de six mois après le début de la révolution syrienne, retour sur un certain nombre de caractéristiques portant tant sur son déroulement, ses soulèvements que sur la façon dont le régime essaie de l’anéantir. Elles font l’exceptionnalité de cette révolution dans le printemps arabe… Un article de Nadia Aissaoui et Ziad Majed - Mediapart.fr

Caractéristiques de la révolution
– La révolution syrienne est plus étendue horizontalement, ou dispersée géographiquement, que la plupart des autres révolutions arabes. Il y a en moyenne 50 manifestations (de taille disparate) par jour, réparties entre les villes syriennes et les régions rurales, tandis que dans les autres pays arabes le nombre de manifestations simultanées a rarement dépassé en moyenne la quinzaine le même jour.
– La révolution syrienne est la plus persistante, malgré la répression brutale et acharnée de l'appareil de sécurité et des milices associées (connues sous le nom des Shabeeha). Le nombre exorbitant de morts, blessés, kidnappés, arrêtés, torturés et de personnes déplacées n'a été dépassé que par le nombre des victimes en Libye – la distinction essentielle étant que la révolution libyenne a dégénéré en guerre, tandis que la Syrie n'a qu'une unique machine à tuer : celle du régime Assad.
– La révolution a réussi à garder un caractère non-violent et a évité jusque-là de tomber dans le conflit armé et les actes de vengeance à grande échelle. Cela dénote une grande maturité politique car, malgré les atrocités infligées aux manifestants et à leurs familles, ils font échec aux tentatives répétées par le régime d’entraîner le peuple dans un cycle de vengeance qui ne ferait qu'aggraver les crispations sectaires et accentuer la peur des « hésitants », et« autoriserait » le régime à donner libre cours à une répression encore plus féroce.
– La révolution a dû prendre en charge elle-même sa couverture médiatique en raison de l'interdiction de la présence de médias indépendants dans le pays. Un système rigoureux (vérification de l’information) a été mis en place pour assurer la couverture des activités et des événements. En plus de la diffusion de l’information, il y a également une élaboration de slogans, de chansons, de caricatures et de films dont le talent et l’innovation ne cessent de surprendre. Les écrits, discussions et débats qui accompagnent cette révolution, de même que toute la créativité et production culturelle, redéfinissent l’identité syrienne et permettent aux Syriens eux-mêmes de se découvrir après que la dictature les eut bâillonnés pendant des décennies.
– La révolution syrienne est particulièrement riche symboliquement, puisqu’elle a détruit les idoles du passé et affronté le seul régime arabe « républicain héréditaire » qui a centralisé le pouvoir entre les mains d’un clan familial. Elle a par ailleurs érigé en véritables icônes les enfants, les femmes et les adolescents sauvagement tués et en a fait une sorte de ciment, une source d’inspiration pour la continuation du mouvement.
– Par rapport aux autres révolutions, les femmes syriennes sont plus présentes dans les cercles de coordination et les comités de soutien à la révolution. C’est à la fois un indicateur du potentiel féminin existant en termes de leadership mais aussi une marque de flexibilité et d’ouverture dans une société dite « conservatrice ».


Un régime non-réformable

Par ailleurs, les derniers mois ont fait aussi apparaître que le régime syrien ne dispose d’aucune flexibilité et d’aucun capital politique en mesure de gérer la situation. Il n’a recours systématiquement qu’à des mesures de sécurité répressives. Sa seule politique est celle de la terreur et du meurtre. Incapable d’anticipation, il agit au coup par coup. Il coupe les connexions entre les villes et empêche l’accès à l’espace public. Il cherche à isoler les protestations dans les campagnes et les petites villes pour mieux les écraser par la suite. Il lance des campagnes d’arrestation et de terreur contre les quartiers urbains ou contre les villages où la mobilisation est importante, et il tente de plus en plus de provoquer des réactions sectaires ou confessionnelles de la part des manifestants en s’attaquant davantage à leurs croyances religieuses.
– La proportion des individus hésitant à s'impliquer ou soutenir la révolution reste élevée dans certaines régions, pour des raisons économiques, psychologiques ou sectaires. Ces individus préfèrent la stabilité et le maintien des activités économiques en échange de l'abandon des revendications de liberté et de dignité, qui, selon le discours du régime, «mèneraient inévitablement au chaos».
– La mort du politique sur une période de 41 ans du règne des Assad (père et fils) a eu des effets difficilement réparables en l’espace de quelques mois. Elle a affaibli la capacité d'élaborer des alternatives au régime. Quelques mois ne suffisent pas en effet à mettre en place un plan politique et une forme d’organisation démocratique qui posséderaient une forte légitimité populaire dans une société longtemps grippée par le despotisme. Il a fallu un certain temps pour parvenir à un début de coordination entre des factions de l'ancienne opposition, des acteurs de la nouvelle génération de l'insurrection et des personnalités morales, politiques et culturelles tant au pays qu'en exil.
– Après des mois de tiraillements et d’hésitations de la communauté internationale, toutes les positions confondues sur la situation syrienne tendent vers plus de fermeté avec des sanctions supplémentaires contre le régime. La situation est donc sujette à changement et adaptation en ligne avec l'évolution du mouvement syrien dans les prochaines semaines. En dépit de toutes les arrestations, les liquidations et les menaces, la pression populaire sur le régime n'a pas diminué. « Isqat al-nizham » (la chute du régime) reste le leitmotiv de la révolution. Il est probable que la plupart de ceux qui hésitent encore vont changer d’attitude quand ils sentiront leurs intérêts menacés ou si la balance penche en faveur de la révolution.
Pour les hommes et les femmes engagés dans cette lutte, la peur n’a plus d’impact. Ils ont la certitude qu’au bout du compte, et malgré le très lourd bilan, ils verront le régime Assad rejoindre le cortège des dictateurs déchus, en Tunisie, Egypte et Libye, et qu’une nouvelle page de l’histoire de leur pays va s’ouvrir.
Zainab, une nouvelle icône de la révolution
Agée de 18 ans, elle a été enlevée par les services de renseignement du régime pour obliger son frère, actif dans l’organisation des manifestations à Homs, à se rendre. Plusieurs semaines plus tard, et après l’arrestation du frère, les parents de Zainab Al-Hosni ont découvert son corps dans le même hôpital où ils se rendaient pour récupérer la dépouille du frère, leur fils, mort sous la torture.
Méconnaissable, Zainab était démembrée et défigurée, comme le fut au début de la révolution Hamza Al-Khatib, garçon de 13 ans première icône de la révolution, et comme le furent plus tard Ibrahim Al-Kachouch, chanteur de Hama, et Ghayath Matar, militant pacifiste de Daraya…
Amnesty international a réagi à ce nouvel acte de barbarie du régime. Pour lire son communiqué, cliquez ici. 

Une psychanalyste en prison : Rafah Nashed
Arrêtée il y a deux semaines par les services de renseignements du régime à l’aéroport de Damas, Rafah Nashed est toujours détenue dans une prison à Damas. La psychanalyste aidait des citoyens et citoyennes syriens à dépasser leur peur et leurs angoisses durant les moments difficiles que traverse leurs pays. Cela a été, semble-t-il, la raison de son arrestation.
Une pétition pour sa libération est disponible sur le site www.oedipe.org, pour la signer, cliquez ici.



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